Un article de Reporterre, par Jean-Louis Gaby, le 22 mai 2017.
La France produit moins d’électricité solaire que… l’Angleterre. Pire encore, la puissance raccordée stagne. L’auteur de cette tribune explique les raisons de ce retard français : une politique tarifaire inadaptée et des subventions qui favorisent les gros projets, alors qu’il faudrait soutenir les petites installations.
Jean-Louis Gaby est ingénieur, ancien artisan solaire.
Ce recul s’explique par la dégressivité des tarifs d’achat de l’électricité photovoltaïque depuis 2011, par la sortie de ces installations du dispositif du crédit d’impôt en 2013, mais aussi par l’action d’écodélinquants proposant à des prix très élevés des installations souvent défectueuses.
C’est le consommateur final qui est obligé de payer.
Nouvelle inquiétude pour le développement de la filière, EDF ENR, dans sa campagne Mon soleil & moi, promeut l’autoconsommation pour les particuliers. En 2016, elle représentait 20 % des nouvelles installations de 0 et 3 kWc. Cette campagne, sans augmenter visiblement le nombre d’installations, conduit à réduire d’un facteur 3 les puissances installées, car, en 2015, leur puissance moyenne était de l’ordre de seulement 1,2 kWc. Cette faible puissance s’explique par le fait que la vente de l’excédent de production étant exclue, une puissance standard de 3 kWc est bien trop importante lorsque le soleil est présent et que le logement consomme peu, ce qui est très souvent le cas.
Autre déconvenue, bien que depuis le 20 septembre 2016 Enercoop soit désormais éligible à l’obligation d’achat solaire, ne sont autorisés que 75 contrats pour une puissance installée totale de 100 MW. Les particuliers souhaitant vendre leur électricité à Enercoop sont donc majoritairement exclus.
En réalité, le marché du photovoltaïque est dominé par les installations de plus d’un mégawatt, qui représentent dix fois plus de puissance raccordée que pour le résidentiel. Ces grandes installations rentrent dans le cadre d’appels d’offres du ministère de l’Environnement portant en particulier sur le prix d’achat de l’électricité fixé par les candidats de chaque projet. Si les appels d’offres permettent officiellement de faire jouer la concurrence, la corruption et la fraude, régulièrement dénoncées, comme le favoritisme, les ententes, et les pactes de corruption ne sont pas exclus.
Ces projets très rentables assurent un revenu garanti, aussi les établissements financiers se sont engouffrés dans ce marché sans risque. C’est le consommateur final qui est obligé de payer. Ainsi, par exemple, la Caisse des dépôts et consignations a financé des dizaines d’installations en France, et non des moindres, comme celle des ombrières des parkings de l’usine Renault, à Cléon. Parallèlement, l’autoconsommation crée des marchés subventionnés permettant ainsi de boucler les projets.
« Privatisation » de la production d’électricité.
Plus préoccupant : le niveau du prix d’achat par EDF de l’électricité varie beaucoup selon le type d’installation. Ainsi, dans le dernier appel d’offres lancé par la Commission de régulation de l’énergie (CRE), pour les installations de plusieurs mégawatts, le prix moyen d’achat était de 68,1 €/MWh, et on ne peut que se féliciter de ce niveau bas. Pour les installations sur ombrières de parking, il était de 105,6 €/MWh, aussi, l’augmentation est sensible. Mais le prix d’achat est parfois bien plus élevé, comme pour Fonroche énergie et la Caisse des dépôts de la région Aquitaine, qui ont réussi à décrocher 202 €/MWh pour 27 hectares de serres photovoltaïques. Le record est finalement détenu par la géothermie à haute température, qui est en moyenne à 260 €/MWh.
Le financement des installations hors standard satisfait nos politiques, qui peuvent s’enorgueillir d’inaugurer des installations « remarquables ». Par contre, nous produisons une électricité chère qui, à investissement égal, produit jusqu’à 4 fois moins d’électricité verte, ce qui va à l’opposé du but initial. En outre, si cette « privatisation » de la production d’électricité ne représente aucun effort financier de l’État, il se traduit par un surcoût pour les consommateurs par le biais de la CSPE, qui croît sans cesse, et on comprend aisément pourquoi.
Ce n’est pas en aidant fortement les installations les moins rentables que l’on va développer en France un photovoltaïque peu cher qui, selon Philippe Boisseau, le numéro deux de Total, serait deux fois moins onéreux en Allemagne.
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